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DOUBLE PEINE POUR LES PARENTS ENDEUILLÉS PAR LA MORT D’UN ENFANT

Par Le 2023-01-20

DOUBLE PEINE POUR LES PARENTS ENDEUILLÉS

PAR LA MORT D’UN ENFANT

Dernièrement j’ai lu plusieurs articles concernant la mort périnatale et le contrecoup pour les parents tant sur le plan émotionnel que sur le plan social et administratif.

J’ai lu des témoignages bouleversants de la part de parents incompris, ayant l’impression de subir la double peine puisqu’on occulte la mort de leur enfant comme si celui-là n’avait jamais existé.

Cela m’a ramené 34 ans en arrière quand Richard mon premier né est décédé en février 1987, âgé de seulement 4 mois., sans que rien ne laisse envisager un départ aussi foudroyant et irréversible.

Personne ne peut avoir l’idée de ce que l’on ressent en vivant un tel drame auquel personne n’est préparé, pas plus le papa que la maman.

Lors des visites prénatales et le suivi de la grossesse, pas une seule fois, un intervenant médical ne laisse entendre que cela peut malheureusement arriver et quand on est dans toute la vigueur de sa jeunesse, il ne vient pas à l’esprit que même à notre époque un enfant peut mourir, avant, pendant, après l’accouchement ou quelques mois plus tard.

Avant le décès de notre joli bébé, je n’avais jamais entendu parler de la « mort subite inexpliquée du nourrisson ».

Après son décès, et les formalités des funérailles, il a fallu faire face à l’absence de l’enfant chéri, pourtant si présent dans notre cœur et commencer le travail du deuil de l’être aimé.

Pourtant la cruauté administrative n’allait jamais nous oublier, pas plus que tous les autres parents amputés dans leur chair et dans leur cœur, par la mort de leur enfant bien aimé.

A partir du moment, ou votre enfant est mort, si vous n’en avez pas d’autres, vous êtes considérés comme étant un couple sans enfant. Vous avez beau vous révolter car en tant que mère, vous sentez encore dans votre ventre, la morsure du déchirement impitoyable, l’administration est là pour vous dire sans aucune marque d’empathie :

« Madame, Monsieur si votre fils est mort, il ne compte plus, vous êtes un couple marié sans enfant ».

Comment çà, il ne compte plus ?

Cet enfant a été attendu pendant tout le temps que dure la grossesse, il est venu au monde, déjà choyé avant même de pousser son premier cri, il a fait l’objet de toutes nos attentions, tout notre amour, pendant des jours et des nuits, des semaines puis des mois et quelqu’un vous dit sans fioritures qu’il ne compte pas puisqu’il n’existe plus.

Autant dire qu’il n’a jamais existé !

Hop !

D’un simple mot, il est rayé de notre vie, de la société, du monde. Il n’est plus qu’un nom inscrit sur une pierre tombale.

Comment dire cela à des parents qui vont se souvenir du jour funeste toute leur vie ? Il s’est écoulé 34 ans et je n’oublie rien, ni le jour de sa naissance, ni le jour de son décès.

Lorsque mon enfant reposait dans sa robe de baptême avant la mise en bière, ma grand-mère maternelle est entrée dans la pièce où il se trouvait et s’est mis à chavirer. Je ne sais plus qui l’a retenu pour qu’elle ne tombe pas. Elle revoyait son propre enfant décédé 52 ans plus tôt, âgé d’un mois. Elle s’est mise à pleurer en répétant le prénom de son bébé. Je n’avais jamais vu ma grand-mère pleurer avant. Elle faisait partie de cette génération endurcie par la guerre.

Comment aurait-on pu lui dire que son enfant n’avait jamais existé puisque le souvenir si vivace l’a secoué d’émotion plus d’un demi-siècle après.

En ce qui me concerne, trois enfants sont nés ensuite, âgés désormais de 33, 31 et 29 ans, des enfants en bonne santé mais comme tous les parents dans mon cas, j’ai dû entendre, régulièrement lorsqu’on me demandait combien j’avais d’enfants, notamment lorsqu'il faut remplir tout un tas de formulaires, ou questionnaires, que ce soit pour l'école, la Caisse Allocations Familiales, ou autres, qu’en fait je n’en avais pas quatre mais seulement trois car le premier ne comptait pas puisqu’il n’existait plus.

Il est bien évident que la CAF ne doit pas verser des allocations familiales pour un enfant décédé. Ce n'est pas une question de ressources mais de "cases", si je puis dire. Ce serait bien que les parents puissent cocher une case où il serait indiqué le nombre d'enfants vivants pour bénéficier des prestations sociales mais aussi une case pour le nombre d'enfants décédés, de manière à ce que les parents puissent avoir l'impression qu'on prend en compte leur vraie situation familiale car pour eux, l'enfant décédé fera toujours partie intégrante de leur famille. Je l'exprime de manière maladroite mais c'est ce que j'ai ressenti depuis tant d'années.

Je pense qu’on ne s’habitue jamais à s’entendre dire cela, pendant des années et des années. On apprend juste à faire avec, à vivre avec, à ne plus polémiquer sans fin car cela ne sert à rien, sinon à raviver une douleur assoupie mais jamais guérie.

L’administration aura toujours le dernier mot, à moins de changer la loi sur la prise en compte des enfants décédés prématurément et ne plus infliger aux nouveaux parents endeuillés, le fait de s’entendre dire que leur enfant n’existe plus.

C’est leur infliger la double peine, celle du deuil à vivre, un deuil long et douloureux et celle de le voir « mort » une seconde fois par le système administratif.

Jusqu’à mon dernier souffle, je serai la maman de quatre enfants dont le premier n’est plus avec nous, mais il demeure présent dans nos cœurs et dans mes pensées, je le vois souvent mettre ses petites mains dans celles de ses « grands petits frères », et je reste persuadée qu’un jour lointain, nous serons de nouveau réunis tous ensemble.

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Tous droits réservés le 25 février 2021

V.B-Brosse alias Sherry-Yanne

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Publié sur mon site SHERRY-YANNE EN POÉSIES le même jour

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