AURAI-JE 60 ANS ?
Aurai-je 60 ans ?
Ma raison me promet un « oui », mon cœur pose les doutes du « non ».
La fatigue gagne du terrain, grignotant les miettes de ma splendeur d’antan. Elle s’attaque au décor du paraître et ronge petit à petit l’envers du miroir, celui qui n’est que le reflet de l’être.
Serai-je sexagénaire ?
Du sex-appeal de ma jeunesse, il ne reste pas grand-chose. Les piles sont usées et ce ne sont, hélas, pas des piles rechargeables. Le temps indélicat abîme l’outillage érodé et rouillé à de multiples endroits. Il n’existe aucune garantie décennale et bien entendu, aucune pièce de rechange.
Aurai-je 60 ans ?
Je ne sais pas mais je suis devenue fataliste. Le destin est lunatique et du jour au lendemain, il peut me bouder, voire me rayer de la carte des vivants. Ce qui n’était qu’une supposition devient une évidence en prenant de l’âge.
J’ai porté ma famille à bout de bras depuis tant d’années que je ne pouvais même pas penser au pire et puis un jour, j’ai lâché prise sans comprendre, car quoi que je fasse, je ne serai plus là un jour ou l’autre et mes enfants devront se débrouiller sans moi.
J’ai lâché prise car professionnellement, j’ai dû constater avec amertume que je ne finirai jamais ma carrière « en beauté » avant de partir dans une retraite honorable.
J’ai lâché prise car mon idéalisme s’est fracassé sur l’écueil de la falaise des désillusions. Se battre pour voir régner la liberté, l’égalité et la fraternité, pour ne recueillir en retour que des coups de bâtons, voire même des coups de gourdins de la vie, a fini de m’enfoncer la tête sous la boue de cette lie humaine.
J’ai lâché prise pour de bon !
Aurai-je 60 ans ?
J’espère bien que oui. Il me reste trois ans avant de le découvrir, pourtant je sais déjà que cette usure mentale et physique qui a pris ma jeunesse, dévasté ma santé, ne me rendra jamais ma vigueur d’antan et que je suis condamnée à n’être que l’ersatz de ce que j’étais jusqu’à la fin de mes jours.
Je le sais, je le sens et le corps médical me l’a confirmée.
Alors je vis au jour le jour, je profite de l’instant présent et j’aime totalement, sincèrement mes enfants, mon mari, ma famille.
Aurai-je 60 ans ?
Il paraît que la vie commence à 60 ans, Tino Rossi le chantait dans les années 1970.
Ce jour-là, je serai prête à attaquer une seconde jeunesse en faisant la fête avec tous mes proches.
Tous droits réservés VBB 9 août 2016
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