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RENCONTRES ANCESTRALES OU VOYAGES INTEMPORELS (TOME 1 CHAPITRE 2)
RENCONTRES ANCESTRALES OU VOYAGES INTEMPORELS (TOME 1 CHAPITRE 2)
RENCONTRES ANCESTRALES OU VOYAGES INTEMPORELS (CHAPITRE 2)
CHAPITRE 2
ALBERT EN 1945
Quelques jours se sont écoulés depuis le voyage intemporel de Viviane en 1927. L’émotion ressentie ne peut se décrire tellement cette rencontre impensable a été forte. Elle sait qu’elle poursuivra son projet de visiter certains aïeux mais elle ignore encore où et qui, à défaut de savoir comment.
Elle se souvient qu’en 1971, elle avait chuté d’un arbre et qu’elle s’était retrouvée projetée en 1871 où elle avait rencontré Jean Baptiste son trisaïeul paternel, encore jeune homme et qu’en 2014, suite à une opération chirurgicale, elle avait fait une « sortie de corps » qui l’avait envoyée en 1914, 3 mois avant le début de la première guerre mondiale, où elle avait croisé le chemin de Jean Pierre et Joanny ses deux arrière-grands-pères de St Romain (voir article dans cette rubrique).
Rien ne l’empêche de les rencontrer de nouveau à d’autres périodes de leur vie car leur mémoire ne peut enregistrer les évènements venus du futur. Elle se dit qu’elle retentera certainement l’aventure.
Pour l’instant, elle envisage de rejoindre ce grand-père qu’elle n’a jamais connu puisqu’il est mort en 1945, soit quatorze ans avant sa naissance et d’aller le visiter sur son lit d’hôpital à la Croix Rousse à Lyon (4ème), pendant ses derniers mois de vie. Elle-même ayant passé quinze ans de sa vie, sur ce secteur, elle éprouve un sentiment de nostalgie par rapport à son propre passé, mêlé à une profonde tristesse car elle sait que cet homme encore jeune, 36 ans, n’a plus que quelque temps à vivre, et qu’il laissera une épouse éplorée avec trois enfants en bas âge.
Viviane récite la formule transmise par Merlin et en quelques secondes, elle se retrouve dans un couloir tristounet où des effluves d’éther lui chatouillent les narines, ne laissant aucun doute, sur le lieu où elle se trouve.
Un hôpital comme celui de la Croix Rousse cumule tous les paradoxes, puisqu’il représente l’endroit où la vie arrive et où elle s’en va aussi.
Pour Viviane, ce lieu symbolise la vie car ses quatre enfants y sont nés mais pour sa mère, orpheline à huit ans, il symbolise la mort puisque son père y est décédé.
Historiquement l’annexion des communes de la Croix-Rousse, de la Guillotière, et de Vaise à la ville de Lyon en mars 1852 (sous le second empire), contraint le préfet du Rhône Claude Marius Vaïsse à envisager la construction d’un nouvel établissement hospitalier afin de répondre aux besoins d’une population en expansion et de «désengorger» les deux hôpitaux de la presqu’île : la Charité et l’Hôtel-Dieu. Il choisit de l’implanter dans le quartier populaire de la Croix-Rousse, fortement marqué par une histoire sociale parfois violente (révolte des «canuts»), afin de répondre à la pauvreté et la misère d’une population de surcroît souvent frappée par les épidémies de typhoïde, de variole et de tuberculose. L’hôpital de la Croix-Rousse est ainsi inauguré le 7 décembre 1861.
À l'origine, l'établissement devait porter le nom de Saint-Joseph, mais les seules traces qui subsistent de cette volonté initiale sont une dédicace sur la chapelle et la date de la fête patronale, le 19 mars. Le premier terrain de deux hectares acquis est la propriété Chazol, ayant appartenu à un ancien chirurgien de l'Hôtel-Dieu, Michel Carret. Mais, celui-ci n'ayant pas d'issue vers la Grande rue de la Croix-Rousse, d'autres parcelles sont achetées pour un total de sept hectares. Le quartier de la Croix-Rousse est sans conteste l’un des lieux les plus emblématiques de la ville de Lyon. Niché au cœur de la capitale des Gaules, il a marqué l’Histoire en s’illustrant comme un haut lieu de l’industrie de la soie mais aussi comme le lieu où sont nées les premières révoltes ouvrières françaises. Quelques vestiges à l’image de l’amphithéâtre des Trois Gaules permettent de déceler une ancienne présence romaine En 1512, Louis XII ordonne la construction de remparts pour protéger la ville de Lyon. Ces derniers, prenaient naissance à la rupture des pentes et isolaient le plateau sur sa partie sud, créant ainsi un nouveau faubourg aux abords de Lyon. En 1560, une croix en pierre de Couzon, caractérisée par sa couleur ocre fut installée sur le plateau de la colline. C’est elle qui donna son nom au jeune quartier. L’histoire de la Croix-Rousse va connaitre un tournant décisif lors de la Révolution Française. Cet évènement historique majeur va entraîner la vente de nombreux terrains appartenant aux communautés religieuses installées à la Croix-Rousse. Ces dernières seront vite remplacées par les Canuts, nom donné aux tisserands de la soie, qui ne tarderont pas à transformer radicalement le quartier de la Croix-Rousse pour le faire prospérer économiquement. Au cours du XIXème siècle, de hauts immeubles atypiques et lumineux destinés à abriter des métiers à tisser imposants mais également les logements des canuts, fleurissent sur la colline de la Croix-Rousse. Ces bâtiments, en raison de leur fonction liée au travail de la soie, arboraient une architecture sans fioritures et des pièces avec une hauteur sous plafond d’au moins quatre mètres. Leurs façades étaient par ailleurs percées de nombreuses fenêtres qui devaient laisser pénétrer la lumière du jour et offrir de bonnes conditions de travail aux canuts. L’implantation de l’industrie de la soie vaudra rapidement à la Croix-Rousse le surnom de « colline qui travaille » en opposition avec Fourvière, « la colline qui prie ». Forte de son activité industrielle intensive, Lyon accéda par ailleurs rapidement au statut de première ville ouvrière de France. L’industrie de la soie ne s’est pas développée sans heurts. La Croix-Rousse a été le théâtre de plusieurs soulèvements menés par les Canuts. En 1831, les tisserands lyonnais se soulèvent pour la première fois afin de protester contre la baisse de leurs revenus. Ce faisant, ils s’imposèrent comme les précurseurs des luttes ouvrières en France.
Cette première révolution, réprimée assez violemment, ne sera pas la dernière. D’autres insurrections violentes eurent lieu en 1834 puis en 1848 (« La révolte des Voraces »). Par la suite, bien que rattachée officiellement par décret à la ville de Lyon en 1852, la Croix-Rousse ne perd pas son « âme rebelle ». En effet, ses traboules serviront, dit-on, de cachette aux résistants cherchant à échapper aux officiers de la Gestapo durant la seconde Guerre Mondiale.
Toute personne ayant vécu à la Croix-Rousse, se sent imprégnée par son charme indiscutable et ne peut l’oublier. C’est le cas de Viviane qui éprouve toujours un attachement particulier pour cet endroit, un village dans la ville, même si elle en est partie depuis plus de trente ans. Chaque fois qu'elle voit une photo du "mur des canuts, elle ne peut s'empêcher de penser qu'elle a vécu dix ans dans ledit immeuble et que la fresque a été peinte, lorsque son bébé est décédé en février 1987. Depuis lors, celle-ci a été réactualisée deux fois, en 1997 et en 2013.
Elle est heureuse de se « téléporter » dans cette Croix Rousse tant chérie, mais le lieu et le fait de savoir qu’elle rend visite à son grand-père maternel qu’elle sait condamné, l’attriste énormément.
En novembre 1945, la guerre est terminée depuis six mois et l’armistice a été signé le 8 mai dernier. La France est exsangue mais doit faire face à de nouveaux défis internationaux : la guerre froide et la décolonisation. Le pays s’engage dans sa reconstruction. Il modernise et ouvre son économie, repense ses institutions politiques, lance de grandes réformes sociales et participe à la construction européenne, pour éviter une troisième guerre en Europe, conflit dérivant ensuite dans un engrenage mondial, comme ce fut le cas en 1914-1918 et 1939-1945. Cela partait d’une très bonne intention mais ce qui en a été fait concrètement 57 ans plus tard, ne correspond pas du tout à l’idéal politique de l’après-guerre. De plus les français ont découvert la réalité des actes monstrueux perpétrés par les nazis dans les camps de la mort, où peu de personnes sont revenues, l’extermination de millions d’hommes et de femmes du fait d’appartenir à une communauté ethnique (juifs, tziganes etc), ou bien d’être résistants, communistes, religieux ou homosexuels, ceux qui avaient le tort de remplir toutes les cases étaient condamnés d’office.
Mais l’horreur concerne aussi des « enfants du pays », des soi-disant patriotes de dernière minute, n’ayant pas forcément combattu l’ennemi pendant les cinq dernières années écoulées, mais assez courageux pour tondre de pauvres femmes victimes d’être tombées amoureuses des « boches », ce que l’on a appelé « la collaboration horizontale ». Etaient-elles plus coupables que ceux qui se sont enrichis en faisant du marché noir avec les allemands et qui « sortiraient » de la guerre, blancs comme neige, avec un patrimoine personnel décuplé ?
La Libération de la France a commencé le 6 juin 1944 avec le débarquement en Normandie, suivi le 15 août par le débarquement en Provence. Cet évènement marque le début de la fin de la guerre. La Résistance a joué sur tout le territoire un grand rôle pour retarder les mouvements de troupes allemandes dès le débarquement et dans les combats de libération de chaque ville et village. En réaction les nazis multiplient les rafles et les massacres un peu partout en France. Le vendredi 25 août 1944, le général Philippe Leclerc de Hauteclocque reçoit à Paris, devant la gare Montparnasse, la capitulation des troupes d'occupation de la capitale. Le général Charles de Gaulle le rejoint plus tard à la gare et se voit remettre l'acte de capitulation. Il se rend ensuite à l'Hôtel de Ville où il est reçu par Georges Bidault, président du Conseil national de la Résistance. C’est là qu’il prononce ces mots devenus symboliques : «Paris martyrisé ! mais Paris libéré !». Le soir, il s'installe au ministère de la Guerre en qualité de chef du gouvernement provisoire de la République française. Le 31 août 1944, alors que les troupes alliées se battent encore sur le sol français, le général de Gaulle forme le premier gouvernement provisoire. Il compte deux communistes : François Billoux et Charles Tillon. Le 13 novembre 1945, le deuxième gouvernement du général de Gaulle est caractérisé par l’entrée de cinq ministres communistes : Maurice Thorez, Ambroise Croizat, François Billoux, Marcel Paul et Charles Tillon.
Les ministres communistes vont devenir acteurs de l’invention sociale, provoquant une véritable cassure dans la manière d’envisager une nouvelle politique au service de l’humain. Tous les soldats partis en 1939, la fleur au bout du fusil et vaincus en 1940, n’ont pas été déportés en camps de concentration comme les résistants, mais ils ont malheureusement servi de main d’œuvre dans des camps de prisonniers en Allemagne ou dans des stalags en Pologne. Leurs conditions de vie pouvaient être plus ou moins bonnes pour certains et plus que médiocres pour les autres.
Albert fait partie de ces milliers de soldats arrachés à leurs familles en 1939, faits prisonniers en 1940, déportés dans des stalags et revenus dans leur pays et leurs foyers au printemps 1945.
Qu’en est-il pour lui en ce 13 novembre 1945, lorsque le général de Gaulle constitue son deuxième gouvernement ?
Le pauvre est à l’hôpital, il n’a plus que quelques jours à vivre mais il ne le sait pas encore.
Fin mars il est arrivé à Marseille puis il a été rapatrié dans son village où il a retrouvé sa famille. Lorsqu’il est enfin arrivé dans la rue de St Paul, la plus jeune de ses trois enfants a pris peur de cet inconnu et lui-même ne savait pas que cette petite fille de 8 ans était la sienne avant qu’on la lui désigne comme telle. En 1939, son ainée avait 6 ans et les deux petits n’avaient que 2 et 3 ans. Comment pouvaient-ils se souvenir de lui ? Cruauté des guerres fomentées par des gouvernants peu touchés par ces considérations familiales et pourtant cela pénalise bien trop d’innocents, aussi bien chez les citoyens patriotes que chez les belligérants ennemis, eux-mêmes patriotes, envers leur propre nation.
Il a si peu profité de Marie son épouse et de ses chers petits. Trois mois, plus tard, il est tombé gravement malade et a été hospitalisé dans cet hôpital de la Croix Rousse où les semaines et les mois s’écoulent de nouveau loin des siens.
Pourquoi la Croix Rousse et non pas St Chamond ou St Etienne, plus près du domicile familial ? Cela demeurera un mystère pour Viviane car nul ne connait les raisons. Albert était sans doute atteint d’un cancer et cela ne se soignait sans doute pas partout, de plus son statut de prisonnier de guerre lui valait peut-être des soins médicaux en ce lieu.
Rien ne changera plus au fait qu’en ce 13 novembre 1945, Albert est très fatigué et que son moral s’en ressent, lorsque Viviane pénètre dans sa chambre.
Il la regarde d’un air surpris, se demandant quelle est cette inconnue qui lui rend visite.
Quant à elle, elle est tellement triste de voir le visage amaigri de son grand-père, ce grand-père qu’elle ne connait qu’en photo. Mon Dieu, ce qu’il a l’air triste, se dit-elle, il a sans doute perdu tout espoir de revenir dans sa maison. Son cœur se serre d’émotion, car elle sait bien que dans six jours, il sera passé de vie à trépas.
- Bonjour Madame, je ne pense pas vous connaître murmure-t-il d’une voix affaiblie.
- Non je suis ta petite fille, et je viens du futur, plus exactement de 2022. Oui je sais, cela parait incroyable mais c’est pourtant la vérité.
- Ma petite fille ? donc vous êtes la fille d’un de mes enfants ?
Viviane se dit au fond d’elle-même que le fait d’avoir plus de 60 ans, influence ses ancêtres d’apparence plus jeune car tout comme ses deux grands-mères Claudia et Marie en 1927, Albert, âgé de seulement 36 ans n’ose pas la tutoyer, et lui parle avec le respect que l’éducation la plus élémentaire, enseigne vis-à-vis des personnes plus âgées.
- Je suis la fille de ta benjamine. Evidemment, tu ne peux pas imaginer que ce petit bout de chou de 8 ans sera un jour ma mère, mais c’est le cas pourtant.
- Ma petite fille, elle me manque tellement. Elle est si jeune et Marie ne l’emmène pas souvent avec elle, quand elle vient me voir, de peur de la traumatiser et puis ce n’est pas pratique pour venir avec trois enfants, alors elle vient avec l’un ou l’autre. Je n’aurai pas beaucoup connu ma petite Alice. Elle avait 2 ans quand je suis parti et depuis mon retour, je n’ai passé que trois mois avec Marie et mes petits.
Il dévisage Viviane puis rajoute
- Je ne sais pas si je vais sortir d’ici un jour, les séances de radiothérapie et les piqures quotidiennes me fatiguent énormément. En plus j’ai des difficultés pour manger car j’ai aussi un problème à l’œsophage. Je n’ai même plus le droit de boire du vin, ni même de fumer. J’ai longtemps cru que je pourrais rentrer chez moi, même dans la souffrance constante, mais maintenant je sais que je ne reviendrai jamais. J’ai tout prévu pour que Marie puisse vivre et élever nos enfants, J’ai écrit au ministère des prisonniers de guerre à Paris car à St Etienne, ça ne bougeait pas assez vite. Tu sais ce que c’est, quand il s’agit de nous prendre des sous, l’administration n’est jamais en retard, mais quand il faut nous en donner, elle se fait toujours tirer l’oreille. Enfin, ça devrait aboutir et Marie aura une pension de veuve de guerre, ce qui lui permettra de nourrir nos enfants, qui seront bientôt orphelins.
Viviane ne peut même plus articuler un mot, face à ce courageux aïeul qui aura fait face aux obstacles jusqu’au bout.
Elle finit par lui demander de lui raconter le stalag et ces années de « prison ».
Albert se relève, rajustant l’oreiller qui le soutient, ses yeux se ferment afin de laisser ressurgir ses souvenirs.
- En 1939, j’ai été incorporé au 16ème régiment d’artillerie (R.A.D.A) et suite à la défaite de la France en 1940, j’ai été fait prisonnier et envoyé dans un camp de prisonniers en Allemagne d’où je ne suis rentré qu’en mars 1945. Le régiment dont je faisais partie était le 16ème RADA. C’est un régiment ou corps de l'Armée française qui a été recréé le 27 août 1939. Initialement rattaché à la 6ème armée dans le Sud-Est, il rejoint les Flandres en décembre 1939. En mai 1940, il est rattaché à la 7ème armée. Engagé dans le plan Dyle, il reçoit l'ordre le 24 mai 1940 de diriger toutes les forces chargées de la défense de Dunkerque, Calais et Boulogne. Il disparait à Dunkerque. Il est reconstitué à partir des troupes évacuées, regroupées en Normandie en arrière de la 10ème armée. Rejetée derrière l'Orne le 16 juin, la division est isolée. L’ensemble des soldats et de leur chef sont capturés le 18 juin 1940, même si des éléments parviennent à s'échapper quelques jours, avant d’être à leur tour capturés et de finalement partir en captivité le 22 juin. Le corps d'armée est considéré comme perdu le 19 juin 1940. Moi j’ai été emprisonné comme les autres et je suis passé par les stalags 1A à Stablack et 1B à Hohenstein en Prusse Orientale. Ma chère petite fille, que dire sur les stalags concernés ? Le Stalag 1A, Camp de Prisonniers de Guerre, se situait en Prusse Orientale. Le Camp central était à Stablack où, en 1940, 23.000 Prisonniers de Guerre y furent immatriculés et répartis dans plusieurs kommandos différents. L’évacuation du stalag I-A s’est fait lors de l’hiver 1945 C’est une grande tragédie de la guerre et cela semble difficile à décrire.
Ce sort est partagé avec le stalag I-B de Hohenstein, les hommes du camp principal et des Kommandos sont rapidement livrés à eux-mêmes, par un froid polaire et sous des feux croisés. Les troupes soviétiques coupant la retraite vers l’ouest. Quelques colonnes de prisonniers arrivent à passer, les autres doivent tenter la traversée du Frisches Haff alors gelé mais fragile, sous le feu de l’aviation russe. Si par chance le prisonnier de guerre sortait vivant de cette traversée, il risquait de retomber sur l’armée soviétique. De nombreux prisonniers de guerre du stalag I-A vont se retrouver dans des camps en union soviétique, leur rapatriement se faisant avec difficulté au cours de l’année 1945. Le stalag IB Hohenstein était, durant la seconde guerre mondiale, un camp de prisonniers de guerre, situé à 2 kilomètres à l'ouest de Hohenstein.
Créé en 1939 pour abriter les soldats polonais capturés, avec le temps, il a été étendu pour accueillir également les Belges, les soldats français, italiens, serbes et soviétiques. Des conditions difficiles, la malnutrition, les mauvais traitements et les épidémies de typhoïde, ont conduit à de nombreux morts parmi les prisonniers. Notamment au cours de l'hiver 1941-1942 à peu près 25 000 personnes y sont mortes, principalement des soldats soviétiques. Le camp a été libéré le 21 janvier 1945 par les soldats de Staline. Moi je suis arrivé à Marseille le 23 mars 1945, direction Lyon puis enfin chez moi, auprès de ma chère Marie et de nos enfants.
Viviane se rappelle ce qu’elle a pu lire à ce sujet. On estime qu'au total, 650 000 personnes sont passées par ce camp et de ses sous-camps. Entre 50 et 55 000 d'entre eux ont été enterrés dans 500 charniers au SUDWA, cimetière situé à proximité. Le site est commémoré avec une pierre commémorative par Ryszard Wachowski. Depuis 1980, le musée municipal base-Olsztynek accueille une petite exposition consacrée au camp et de ses détenus. (Hohenstein est devenue la ville de Olsztyek en Pologne) (2).
Albert laisse tomber sa tête sur l’oreiller. Il a l’air exténué par sa longue diatribe, qui lui a demandé un effort surhumain. Viviane l’observe avec tendresse et tellement de tristesse. Elle sait bien que lorsqu’elle repartira dans son siècle, elle ne le reverra jamais, contrairement à ses deux grands-mères qui ont choyé son enfance.
A ce moment, le visage d’Albert s’illumine et il se met à réciter faiblement le « code pénal » du 16ème RADA, qu’il a d’ailleurs noté pour ne pas l’oublier.
- « Refuser de boire un coup étant invité, quatre jours de salle de police ».
N’ayant plus de force, il lui tend le papier résumant le fameux code pénal des trouffions du 16ème RADA.
Viviane comprend qu’il est temps de prendre congé et de laisser son grand-père, se reposer, même si cela ne changera rien pour lui.
Albert relève de nouveau sa tête pensivement tout en murmurant doucement
- Dans six jours, c’est le 19 novembre et c’est notre anniversaire de mariage avec Marie. 13 ans de mariage, et sur ces 13 ans, j’ai passé 6 ans loin d’elle. 6 ans de séparation ! une éternité ! J’espère qu’elle pourra venir me voir avec les enfants pour fêter ensemble ce premier anniversaire marital depuis mon retour en France.
Viviane sent son cœur se serrer car elle sait que le 19 novembre, son grand-père va s’éteindre, en pleine jeunesse, âgé de 36 ans seulement, laissant une veuve qui ne l’oubliera jamais, et trois enfants âgés de 8, 9 et 12 ans.
Il est temps pour elle de faire ses adieux à cet aïeul qu’elle ne connaîtra pas et de repartir dans son univers.
Elle l’embrasse avec toute la tendresse qu’elle aurait aimée lui donner s’il avait eu la chance de vivre plus longtemps ;
Elle pose un dernier regard sur le pauvre corps recroquevillé dans son lit de souffrance et c’est la voix enrouée qu’elle prononce le sésame magique, qui la ramène dans son présent.
Ce voyage intemporel a été douloureux à vivre mais en faisant ce choix de destination, elle savait qu’elle serait confrontée à la violence de certaines émotions.
Elle ne sait pas encore quelle sera sa prochaine escapade mais elle espère qu’elle en reviendra plus sereine.
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Tous droits réservés manuscrit commencé en juin 2022
RENCONTRES ANCESTRALES OU VOYAGES INTEMPORELS
Viviane B-Brosse alias Sherry-Yanne
Copyright N°00067596
Publié sur mon site personnel sherryyanne.com
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Le papier contenant la chanson du RADA appartenait à mon grand-père et fait partie de ma collection personnelle, quant aux autres photos, elles ont été trouvées sur internet, et servent à illustrer cet article (ou ce chapitre).
Date de dernière mise à jour : 2023-01-30
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